Schizophrénie,
Bonheur & Cie

Tu sais, on n’était pas préparés à ta maladie. On n’a rien compris, rien vu venir. Pour moi, ça n’avait pas de sens ce qui t’arrivait.
Je pensais que tu traversais une crise d’ado plus dure que ton frère, c’est tout.
Et puis le diagnostic est tombé ! Alors là, tout s’est effondré. Je pouvais pas l’accepter. Pourquoi toi ?
Il m’a fallu du temps pour comprendre... que ce n’était pas une malédiction mais une maladie.
Une maladie qu’on peut combattre, soigner. Et qu’on peut s’en sortir. Et puis ton mariage aujourd’hui, c’en est la plus belle preuve, non ?
Je suis si fière de toi, ma chérie ! Si fière de toi !

Je m’en souviens de ce dimanche, pendant un barbecue chez tes parents.
Tu n’étais plus la même depuis quelques temps. Tu ne voyais plus personne, tu t’enfermais dans ton monde, tu n’avais plus envie de rien. Tu me faisais penser à des patients que j’ai eus.
Alors, j’ai parlé à tes parents. Je leur ai conseillé de t’emmener voir un psychiatre. J’espérais me tromper, mais je savais qu’une prise en charge précoce, ça pouvait tout changer.
C’était vraiment pas facile pour eux, et je suis heureux qu’ils m’aient écouté.
Profite de la vie ma toute belle !

Tu sais, je t’ai toujours trouvée courageuse ma bichette. Pourtant, on t’en a collé des étiquettes : la folle, la cinglée, la feignasse…
Tu te souviens de ce prof qui avait sorti à ta mère qu’il suffisait de te secouer un peu ? Pff, n’importe quoi… et ça, ce n’est qu’un exemple !
Tu aurais pu baisser les bras mais non, tu t’es accrochée ! Toujours. Tu ne t’es pas laissée abattre et aussi, tu nous as fait confiance… à nous, aux médecins.
Et regarde, aujourd’hui, tu es là, tu es heureuse ! Tu es super forte en fait !

Tu sais Margot, je me souviens quand tu es née, moi j’avais 12 ans. Tu étais la première fille de la famille, notre petite princesse à tous. Petit à petit, on s’est perdu de vue… c’est normal, j’étais plus vieux.
Je voulais te dire que quand j’ai appris que tu étais en HP, je n’en suis pas revenu. J’imaginais le pire : j’imaginais la camisole, le dédoublement de personnalité, tout ça quoi...
Je me rends compte que j’étais complètement idiot… Faut dire qu’on parle jamais de ces choses-là finalement.
Maintenant, grâce à toi d’une certaine façon, je sais que la schizophrénie c’est pas ce que je pensais.
Alors, je me dis qu’il faut en parler, qu’il faut sortir du silence.
Mais bon, c’est pas forcément le moment de parler de tout ça, parce qu’aujourd’hui tu te maries, ma Margot ! Tu te maries !

Quand on s’est rencontrés, tu étais incroyable. Je ne sais pas … forte mais fragile. Et ça, ça m’a vachement touché.
Et puis un jour, tu m’as dit que tu étais malade. C’était super courageux ! Je l’ai pris comme une preuve d’amour. Ça m’a foutu un peu la trouille aussi…
Déjà, la maladie… et puis j’étais pas sûr d’être à la hauteur, tu vois… de savoir comment faire pour te soutenir.
Aujourd’hui, ça m’arrive toujours d’avoir un peu peur que la maladie et les angoisses reprennent le dessus mais je te fais confiance.
Et puis, je suis là. Et nous deux, on va être heureux !

Je me marie, je n’en reviens pas ! J’ai de la chance. Mais je me suis battue aussi…
Bon, parfois j’ai encore du mal à me lever ou à faire des choses qui étaient simples la veille, ou alors je suis stressée à l’idée de devoir parler à quelqu’un…
Et puis je sais que, toute ma vie, il faudra que je gère mes peurs, mes voix.
Mais je veux que le monde sache que la maladie peut être stabilisée.
Moi, je suis malade, sous traitement, mais je vis ma vie. C’est bien la preuve que c’est pas une fatalité !
Pour moi, le jour où les gens comme moi pourront dire « je suis atteinte de schizophrénie » sans avoir peur de la réaction des autres, on aura gagné un beau combat !